Nous sommes en 1996 à Kinshasa. Francis Mampuya est encore étudiant à l’Académie des Beaux-arts lorsqu’il fait irruption sur la scène artistique congolaise. Il décide de claquer la porte de l’institution, avec quelques compères, pour fuir un académisme qui l’étouffe. Ensemble ils créent un mouvement qu’ils nommeront plus tard le « librisme ». Rejoints par d’autres jeunes artistes, ils reçoivent le soutien du Centre culturel français qui leur permet d’exposer.

Le mouvement se dissoudra peu après, et chacun suivra sa route. Mais le librisme reste un jalon important dans la jeune histoire de l’art contemporain de la RD Congo. Car au cœur des années 1990, en dehors de la peinture populaire et de deux ou trois artistes remarquables et inclassables, l’art congolais évoluait dans un conformisme pesant. Il fallait un saut générationnel et des individualités pour porter le renouveau.

S’ils n’ont pas développé d’expression artistique commune, les libristes ont libéré l’abstraction et l’expressionnisme au Congo. Ils ont également introduit des pratiques artistiques jusqu’alors inconnues ou très peu pratiquées dans le pays : collages, installations, performances artistiques, utilisation d’objets de récupération.

Mampuya a fait irruption sur la scène artistique en disant non aux conventions, et d’une certaine façon, il n’a jamais cessé depuis de dire non. Dans ses tableaux, il dit non à l’injustice, à l’arbitraire, à la mainmise de politiciens irresponsables, au saccage de l’environnement, à l’Afrique qu’on oublie ou qu’on méprise, à l’horreur du parcours des migrants vers l’Europe.

Son travail oscille entre le semi-figuratif et l’abstrait, mais l’abstraction se veut toujours allusive. Si le plus souvent le propos est sombre, il n’est pas désespéré. Mampuya sait aussi qu’en dépit des turpitudes et des injustices, les hommes portent en eux bien des possibilités. Alors il espère.

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